Un article de Jack Lecoq, textes et photos.
Plusieurs dizaines de phoques ont élu domicile en baie du Mont-Saint-Michel, depuis une quarantaine d’années. On peut les apercevoir du haut de l’Abbaye avec de la chance !
Des phoques sur la Baie du Mont Saint Michel ?
«Des phoques ici ?! C’est un animal du grand Nord…». Souvent le touriste découvre étonné, la présence d’une colonie de veaux-marins en baie du Mont-Saint-Michel. On conserve l’image d’Epinal du phoque allongé sur la banquise, les sens en éveil, prêt à plonger dès que son prédateur, l’ours blanc, pointe son museau.
Les phoques de la baie du Mont-Saint-Michel ne risquent rien. Ils sont installés sur la bordure littorale des herbus de Roz-sur-Couesnon et de Cherrueix, en Bretagne et sur les grands bancs de sable établis au Nord et à l’Ouest de l’île de Tombelaine.

Les phoques adorent les grandes marées en Baie du Mont Saint Michel
Souvent, les phoques remontent les fleuves, lors des grandes marées. Les visiteurs peuvent, avec de la chance, les apercevoir, depuis le Mont-Saint-Michel. Puis, les phoques repartent, se laissant entraîner par les courants de la marée descendante. Les guides de la baie qui traversent les fleuves, à ce moment, les voient passer devant eux ! Seule, la tête du veau – marin apparaît. Curieux, les phoques regardent les humains.
Exceptionnellement, ils peuvent s’échouer, volontairement, sur un banc, situé à quelques centaines de mètres, derrière le Mont-Saint-Michel, le long de la Sée et de la Sélune. Pour leur sécurité, les phoques ne s’éloignent jamais des fleuves, ou de la mer. Il est interdit de les approcher au sol, à moins de 300 mètres, ou de se rendre à leur colonie. Attention, la police de l’Environnement veille au grain !
Les phoques sont revenus en Baie du Mont Saint Michel
La présence des phoques en baie du Mont-Saint-Michel est attestée depuis des siècles. Chassés pour leur chair, ils avaient finis par disparaître. Ils sont revenus, en Baie, il y a une quarantaine d’années. C’est la colonie située le plus au sud de la France. Elle compte, en moyenne, une soixantaine d’individus, beaucoup plus, en été. La Baie des Veys, dans le Cotentin Est, en accueille une centaine. Quelques phoques ont été observés dans l’estuaire de l’Orne. Les plus grandes concentrations, 500 à 600 individus, sont visibles en baie de Somme et d’Authie. Ils se comptent par milliers dans le Nord de l’Europe.
Le Centre de Sauvegarde des animaux sauvages d’Allouville-Bellefosse
La colonie de la baie se porte bien, grâce à aux mesures de précautions prises depuis quelques décennies. La mise-bas des petits reste un moment délicat. Si la maman phoque est dérangée, apeurée, elle se sauve, abandonnant son bébé. Le petit, entraîné par les courants de marées, affamé, a peu de chance de survivre. C’est là que les sauveteurs entrent en scène. Dès qu’un bébé phoque, en détresse, est repéré, des bénévoles, comme Patrice Trèche, viennent le chercher. Il sera transporté, rapidement, au Centre de Sauvegarde des animaux sauvages d’Allouville-Bellefosse, situé en Haute Normandie. Des « nourrices », souvent des jeunes filles, prennent en charge le rescapé. Il sera nourri, régulièrement. Le petit phoque grandit, gagne en force dans une grande piscine, où il retrouve des congénères récupérés, eux-aussi, sur les plages de la Manche. Ce peut être des jeunes adultes, épuisés, jetés à la côte par une grande tempête. Le phoque, ballotté par les vagues, n’a pas réussi à se nourrir.
Au bout de quelques mois, les phoques d’Allouville-Bellefosse sont relâchés dans leur milieu d’origine. Les premiers lâchers s’effectuaient, à marée haute, depuis une plage, près de la Chapelle Saint Aubert du Mont Saint Michel. Les phoques arrivent, au pied du Mont, en camionnette, enfermés, chacun, dans une caisse, portée par plusieurs hommes, jusqu’à la plage. La caisse est disposée face à la mer. Puis, la trappe de la caisse est ouverte. Le phoque sort son museau, regarde à droite, à gauche. Il découvre l’océan. La liberté est là, devant lui, à portée de palme.
Mais les phoques c’est comme les gens. Les plus prudents restent de longues minutes dans leur caisse protectrice. Il faut presque les en chasser ! Au contraire, les aventuriers s’élancent et gagnent très rapidement l’élément liquide. Ils font des ronds dans l’eau puis s’éloignent peu à peu du rivage. Ils reviendront les jours suivants près du Mont-Saint-Michel puis rejoindront la colonie.

La colonie de phoques de la Baie du Mont Saint Michel
C’est toujours un grand moment d’émotion pour les sauveteurs. La larme à l’œil ils observent, longuement, « leurs phoques » s’éloigner… « Adieu, Peter Pan, adieu Clochette… » C’est le prénom des phoques. Nous avons aussi Paprika, Safran, des noms de dieux égyptiens. Plus sérieusement, les scientifiques leur donnent une identité. Les phoques portent une puce électronique, voire une balise détachable. C’est un bon moyen de suivre leurs déplacements. Adulte, certains n’hésitent pas à franchir la Manche et se retrouvent en Angleterre. Comment font ils pour ne pas se perdre dans l’océan ? D’autres descendent jusque dans l’estuaire de la Gironde. La colonie de la baie du Mont-Saint-Michel a d’abord été surveillée par des bénévoles. Gérard Gautier, un naturaliste et guide de la baie, avait lancé les premiers recensements, tellement poussés, que Gérard avait établi un protocole d’études.
Audrey Hemon Chargée de mission environnement, au sein du Syndicat Mixte de la Baie, a pris le relais. Régulièrement, elle survole la colonie, en Ulm et photographie les phoques.
Chaque année au moins 2 phoques sont relâchés en Baie du Mont Saint Michel
Chaque année, au moins deux jeunes phoques soignés au Centre d’Allouville-Bellefosse, sont relâchés en baie du Mont-Saint-Michel. Ces animaux, élevés par les êtres humains, sont ils capables de se réadapter à la vie sauvage ? On se rappelle du fameux film « Il faut sauver Willy ! » Il y a quelques décennies un orque, surnommé Willy, qui dépérissait dans un parc d’attraction, a été remis en mer. Malgré des moyens humains et financiers considérables, il n’a jamais pu être autonome.
Connaissez-vous « Billy », le phoque de la Baie du Mont Saint Michel ?
En baie du Mont-Saint-Michel, l’un des premiers phoques relâchés, un dénommé « Billy » stationnait régulièrement, au pied de la Chapelle Saint Aubert. Il recherchait la présence des êtres humains, ses amis. Il a fallu le chasser. Par retour d’expérience, les scientifiques, les soigneurs, ont appris. Ils font très attention à ne pas élever les phoques recueillis, comme des animaux domestiques.
À l’heure de l’effondrement de la biodiversité, cela fait chaud au cœur de constater les efforts des pouvoirs publics, des scientifiques et des bénévoles, pour réintroduire des animaux sauvages dans leur milieu naturel, ici, des phoques, ailleurs des lynx ou des vautours.
Les phoques de la Baie du Mont Saint Michel
- Phoque veau-marin, Phoca vitulina : Le mâle mesure, environ, 1m 80, pour 80 à 130 kg. Il a la tête ronde et mange 4 à 5 kilos de poissons, par jour. Ces phoques vivent dans les baies et les estuaires sableux. Quatre à cinq bébés phoques, morts ou vifs, s’échouent, chaque année, dans la baie.
- Phoque gris, Halichoerus grypus : Il pèse le double du Phoque veau-marin. Sa tête est plate. Il a élu domicile dans les zones rocheuses : les îles Chausey, en Normandie, les Sept îles, Ouessant et Molène, en Bretagne. La baie en compte quelques uns.
Jack Lecoq
